Le bilinguisme est COMPLEXE et en constante évolution. Il est influencé par un nombre de facteurs tels que la culture, l’âge, les circonstances, l’éducation, le réseau social de la personne, l’emploi/la vocation, et plusieurs autres facteurs. 

Le bilinguisme n’est jamais réellement équilibré, ni stable, et il varie selon de nombreux facteurs. 

Ceci veut dire que le niveau de bilinguisme et la maîtrise de chaque langue fluctue dans le temps et selon plusieurs facteurs, et c’est une grande partie de notre travail clinique d’aller recueillir les données qui vont avoir une influence sur l’acquisition de la langue seconde, sa maîtrise, et ainsi, nous aider à clarifier nos conclusions orthophoniques. 

 

Voici les nombreux facteurs à considérer dans ta prise en charge de l’enfant bilingue :

1- La quantité: Se réfère au temps durant les heures d’éveil auquel l’enfant est exposé à chaque langue. Elle doit être systématique et constante avant de considérer que l’enfant est en difficulté. 

Il est bien démontré dans la littérature scientifique (Thordardottir, 2011) que la quantité d’exposition nécessaire à la langue seconde dans une semaine type, incluant la fin de semaine, est de minimum 40% du temps d’éveil pour que le vocabulaire réceptif se retrouve dans les normes attendues comparativement  à l’enfant monolingue, et ensuite >60% d’exposition pour le vocabulaire expressif. 

Dans une formation en direct donnée précédemment, je démontre un exemple (voir ma démonstration vers 9 minutes) de la manière de faire ce calcul fait pour le langage réceptif chez un enfant. 

Pour ce faire, je te partage un outil gratuit (tu le trouveras dans ma zone d’outils gratuits) pour pouvoir faire le calcul d’exposition langagière dans une semaine type (une fois pour le langage réceptif auquel l’enfant est exposé – une seconde fois pour le langage expressif dont l’enfant se sert)

2- La qualité: Une exposition de qualité veut dire que l’enfant doit avoir de bons modèles langagiers, de gens qui maîtrisent bien chaque langue. L’interaction avec des personnes est toujours valorisée au-delà des écrans. Mais comment la qualité influence-t-elle le langage?

  • Les compétences du parent dans la langue maison ont un impact sur la quantité ainsi que la qualité d’exposition que recevra l’enfant.
    • Par exemple :  Si on recommande a des parents de parler la langue majoritaire*, et qu’ils ne maîtrisent pas bien cette langue, ils vont produire des modèles langagiers moins riches, des phrases plus courtes, et s’en servir moins fréquemment car cela lui demande des efforts. 
  • Par exemple : Des parents de 2è génération au Canada, vont eux aussi produire des différences langagières des adultes monolingues du pays d’origine, et donc peuvent se servir des structures morpho-syntaxiques différemment que ce  qui est typiquement produit par un monolingue du pays d’origine ou encore perdre des habiletés. Ces différences langagières dans le modèle parental n’est pas associé à un trouble. Simplement, qu’une expérience langagière différente  peut avoir une influence, (Non, pas une influence négative), mais simplement un impact et se manifeste par une variété dans le développement langagier de l’enfant bilingue ou plurilingue. 

3 – Le contexte socio-linguistique: Un facteur très important qui influence le développement langagier sur un continuum. Le contexte socio-linguistique influence la quantité d’opportunités en raison du statut et de l’accès à chaque langue.

  • Par exemple : Une famille de nouveaux immigrants qui parlent Ourdou à la maison, n’auront pas beaucoup d’opportunités d’entendre et de pratiquer cette langue à l’extérieur du contexte familial, car c’est une langue minoritaire*. Ce qui peut par la suite engendrer la perte de la langue minoritaire (bilinguisme soustractif) – ou ce qu’on appelle une attrition langagière chez l’enfant. 

Cet exemple contraste avec une famille hispanophone qui vit aux États-Unis : cette famille, ayant tout de même une langue minoritaire comme langue maison, mais y aura plus accès dans la communauté.

 

Quelles sont les possibles conséquences de la baisse de pratique dans la langue maison et de l’attrition langagière :

  • L’enfant pourrait arrêter de se servir de sa langue maison (L1 – minoritaire) et ceci est une question d’attitude envers la langue, la culture, et le développement de son identité personnelle :
    • Par exemple : si un enseignant ou n’importe qui d’important dans la vie d’un enfant lui dit qu’il faut parler le français et non la langue X, la langue X peut être alors mal perçue par l’enfant.
  • Si l’enfant diminue l’usage de sa langue maison, il sera ainsi  moins habile dans cette langue, et se sentira moins à l’aise. Il peut donc perdre le désir de s’en servir.
  • Le parent peut lui aussi réduire sa fréquence d’usage de la langue minoritaire pour favoriser la langue de la communauté (souvent des parents croyant bien faire). Ceci aura aussi un impact sur le développement linguistique de l’enfant selon son âge et son background ethnolinguistique 
  • La perte de la langue maison a aussi un impact significatif sur la relation familiale, si le parent communique peu ou pas dans la langue majoritaire, ceci peut avoir de graves conséquences telles que:
    • Incapacité de socialisation avec son enfant
    • Incapacité de léguer ses coutumes familiales, ses valeurs, et ses croyances culturelles
    • Input moins riche (si c’est le parent qui tente de parler la langue majoritaire*)

4- L’âge d’acquisition 

  • Depuis quel âge chaque langue a-t-elle été introduite? L’étendu de temps depuis l’introduction. Des recherches démontrent qu’une exposition plus précoce, et donc étendue sur un lapse de temps plus long est meilleure à long terme. 

5- Autres facteurs (Traduction libre de Paradis, Genesee, & Crago, 2021):

  • Facteurs internes :
    •  Motivation
    •  Habiletés cognitives
    •  Âge d’introduction:   plus jeune = meilleur à long terme, plus vieux = apprentissage + rapide à court-terme
    •  Transfert de la L1
  • Facteurs externes:
    •   Plus longue exposition à la L2 = meilleures habiletés dans la L2
    •   Usage de la L2 avec pairs et fratrie soutien la L2
    •   Environnement L2 riche à l’extérieur de l’école soutien la L2
    •   Éducation parentale + élevée et SSE soutien la L2 et L1
  • Facteurs internes/externes:
    •   Bien-être socio-émotionnel peut influencer l’acquisition de L2

6- La fratrie

  • La langue dominante de l’aînée lorsque le plus petit est né, aura une influence sur le choix de langue parlé entre eux;
  • La langue dans laquelle ils préfèrent jouer;
  • L’âge de chaque enfant: il pourront se servir de la langue minoritaire en pré-scolaire, selon l’exposition, mais l’enfant qui rentre à l’école pourra aussi à ce moment, faire le vas-et-viens entre la langue minoritaire et la langue de scolarisation;
  • Le temps que les parents parlant une langue minoritaire sera dédié aux enfants et aux interaction avec eux influencera le choix de langue avec la fratrie;
  • La langue parlée à la garderie influencera le choix de langue entre la fratrie;
  • Les habitudes créées à la maison.

La combinaison de tous ces facteurs crée une grande variabilité entre les enfants bilingues et même au sein d’un groupe d’enfants bilingues qu’on pourrait croire relativement homogène. Il devient alors difficile d’établir des normes pour cette clientèle en raison de son fonctionnement hautement hétérogène (Kohnert, 2010)

*Se référer à ce blogue pour les définitions de: langue minoritaire, langue majoritaire, langue dominante : L’enfant bilingue, mythes et savoir quand intervenir, référer et consulter 

N’oublie pas de télécharger ton outil gratuit pour pouvoir faire le calcul d’exposition langagière dans une semaine type, il se trouve dans ma zone d’outils gratuits! Le mot de passe de la zone se trouve au bas de tous mes courriels! 

Mélissa Farkouh

Ton orthophoniste alliée en bilinguisme

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